64 LE CONTE DE MA VIE.
répliqua mon haut personnage d’un ton piqué, ainsi
le tiers et le quart est mis en rétribution pour cette
publication? Je ne vois pas alors pourquoi l’on de-
mande mon concours — je n’ai rien à voir là!
Mon maitre logeait assez loin; j'allais deux fois
par jour chez lui et, chemin faisant, ne songeais qu’à
mes devoirs, mes en revenant je respirais plus libre-
ment et quantité d'idées poétiques me traversaient
l'esprit. Cependant aucune ne fut fixée sur le pa-
pier: il n’y eut que 5 ou 6 petites poésies le-
gères qui parurent de moi durant le cours de lan-
née, et je me trouvai moins distrait de les déposer
sur le papier que de les rouler continuellement dans
ma tête.
C’est en 1828 que je devins étudiant, et une
fois mon examen passé, je pus donner libre éssor
aux mille pensées qui me travaillaient et me préo-
cupaient durant mes leçons; semblables à un éssaim
d’abeilles, elles se répandirent au déhors dans mon
premier ouvrage: ,le voyage pédestre à Armak,“
dans lequel se peint fidèlement mon individualité
d’alors, mon penchant à vouloir rire de tout, le plai-
sir mélancolique que je trouvais à railler en pleu-
rant sur mes sentiments les meilleurs: image diaprée,
hardie, qu’aucun éditeur n’eut le courage de présenter
au public; je l’osai moi mème, et en peu de jours l’é-
dition fut epuisée; le libraire Pietzel m’acheta la
seconde, et on en a publié plus tard une troisième:
en outre, ce livre a été imprimé en Suède.
Tout le monde, me lisait, et j'étais étudiant, ce