172 LE COMPAGNON DE VOYAGE,
viens, suis moi! et il le conduisit au parc de la prin-
cesse où en effet un spectacle bien fait pour épou-
vanter se présentait à la vue. À chaque arbre pen-
dait le corps d’un des princes qui avait voulu Pé-
pouser et n’avait pu deviner ses secrètes pensées. A
chaque coup de vent, les squelettes de ces pauvres
princes s’entrechoquaient et leurs ossements durcis
produisaient un cliquetis sinistre qui épouvantait les
oiseaux, de sorte qu’aucun chantre des bois ne ré-
jouissait ce lieu fatal.
Les fleurs étaient étayées par quelques osse-
ments des victimes, et des têtes de morts grimaçaient
de tous côtés. — Jardin bien digne d’une telle prin-
cesse, en vérité!
Regarde, dit le vieux roi à Jean, voila ce qui
l’est réservé, je te conseille de renoncer à ton fu-
neste projet si tu ne veux éssuyer le méme sort
que ceux dont tu vois ici les restes sans sépulture.
Moi même je te l’assure, serai fort malheureux de
ton triste destin, car tu me plais... .
Jean baisa la main du roi et le consola en lui
disant qu’il avait tout espoir de voir réussir son pro-
jet, et d’épouser la belle princesse qu’il aimait plus
que la vie.
Elle revenait de sa promenade à cheval, en ce
moment, et entrait au galop dans la cour avec toutes
ses dames. Le roi et Jean allèrent au devant d’elle
pour la recevoir. La princesse fut extrèmement
aimable et tendit sa belle main à Jean qui en fut si
éperdu de joie qu’il eut donné mille fois sa vie, plus-