Full text: Christine de Suède et la conclave de Clément X (1669-1670)

98 CHRISTINE DE SUÈDE ET LE CONCLAVE DE CLÉMENT X 
constitution écrite. Ge n’était qu'un usage, mais les usages 
sont souvent plus forts que la loi. Le sentiment de reconnais- 
sance qui était censé le légitimer était sans doute fort louable 
en soi, et la résignation que faisaient ainsi les « créatures » 
de leur propre volonté pouvait paraître aussi un bel acte 
d’humilité chrétienne. Mais était-elle toujours compatible avec 
le bien de l’Église et avec le serment de ne vouloir élire que 
le plus digne” On commençait déjà à se le demander, et à 
cette question on finit par répondre non. Mais en 1670 les car- 
linaux neveux ou patrons commandaient encore en maitres. 
Les créatures d'Urbain VIII reconnaissairent comme chef 
son neveu le cardinal Francois Barberino. Il était vice-chance- 
lier (1) de l'Église et doyen du Sacré-Collège. Dans les con- 
claves précédents il avait aspiré au pontificat, mais sa candi- 
lature avait été écartée par la France, qui ne lui pardonnait 
pas de ne s'être pas assez humblement mis aux ordres de 
Mazarin. Maintenant, à l'âge de soixante-treize ans, il savait 
bien que l’opposition de la France ne lui laissait plus aucune 
chance, mais il conservait encore quelque espoir de pouvoir 
faire tomber le choix sur une de ses créatures, surtout sur son 
ami intime le cardinal Facchinetti. Élevé dans les principes de 
saint François, son patron, 1l s'était depuis longtemps fait 
remarquer par une grande piété et des mœurs sévères. Am 
des lettres et des sciences, auss1 généreux que riche, c'était 
un beau type de cardinal grand seigneur. On ne pouvait lui 
reprocher qu’un caractère parfois difficile. 
Son neveu Charles Barberino avait été créé par Inno- 
cent X, mais était néanmoins, suivant l’usage, entré dans la 
faction de son oncle. Il fonctionnait comme camerlingue à la 
place de son oncle Antoine (2), mais ne prenait pas autrement 
une part active aux affaires. Modeste et doux, faible de santé 
et sans grande intelligence, 1l s'effaçait volontiers devant le 
cardinal Francois. Il n’avait d’ailleurs encore que quarante 
ans. 
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