LE FILS DU PORTIER.
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vieux garçon de boutique chez le marchand de fer, une grosse
montre en argent. Elle était vieille et éprouvée ; elle avançait
toujours; mais cela vaut mieux que de retarder. C’était un
magnifique cadeau.
Un psautier relié en maroquin fut envoyé par la petite
demoiselle à qui Georges avait donné des images. En tête du
livre était écrit le nom de Georges et celui d’Émilie, avec ces
mots : « Son affectionnée protectrice. » Cela avait été écrit
sous la dictée de M'"° la générale. Le général l'avait lu et
et avait dit : « C’est charmant !
— Voilà certes une grande marque de bienveillance, dit
la portière, de la part de personnes de si haute naissance. »
Georges, revêtu de ses beaux habits, dut monter au pre-
mier, le psautier à la main, pour se montrer et pour remer-
cier.
La générale était assise sur le sofa, elle était tout
enveloppée de châles et de pélerines. Elle souffrait d'un vio-
lent mal de tête, qui la prenait toujours quand elle s'ennuyait.
Elle ne laissa pas d’être très-gracieuse pour Georges, lui sou-
haita toute sorte de prospérités, et surtout de n’avoir jamais
la migraine.
Le général se promenait dans sa robe de chambre, la tête
coiffée d’un bonnet avec un grand floc. Il portait des bottes
russes à tige rouge. Enfoncé dans ses réflexions ou dans
ses souvenirs, il monta et descendit trois fois de suite l’ap-
partement, puisil s'arrêta et dit : « Voilà donc le petit Georges
reçu parmi les chrétiens! Deviens un honnête homme et res-
pecte l’autorité. Ce conseil, dont tu te trouveras bien, tu
pourras te dire, lorsque tu seras vieux, que c'est le général
qui te l’a donné. »