UNE HISTOIRE DANS LES DUNES.
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caisse. Georges était heureux autant qu’un roi peut l'être dans
son carrosse à six chevaux.
On s’avança à travers la lande ; les bœufs qui traînaient la
voiture s’arrêtaient de temps à autre, quand ils apercevaient
un peu d'herbe perdue au milieu de la bruyère. On laissait
tranquillement les bonnes bêtes se repaître. Le soleil était
rayonnant; et dans le lointain on voyait comme des nuages
d’une fumée transparente, où la lumière du soleil se reflétait
d’une façon étrange. « C’est Loki qui garde ses moutons »,
dit-on à Georges, qui se croyait transporté dans le monde
féerique des vieux dieux scandinaves.
Quelle tranquillité régnait ici! De tous côtés, aussi loin
que portait la vue, la lande s’étendait comme un beau tapis,
formé de bruyères aux fleurs roses, de genévriers d'un vert
sombre et de pousses de chênes. Georges aurait voulu courir,
s’ébattre à son aise. Mais il y avait tant de couleuvres veni-
meuses cachées partout! On lui parla aussi des loups qui
avaient autrefois infesté la contrée. Le vieillard qui conduisait
les bœufs raconta que du temps de son père les chevaux
avaient fort à souffrir de ces bêtes féroces qui n'étaient pas
encore exterminées. Un jour il avait trouvé un cheval qui tenait
sous ses pieds de devant un énorme loup qu’il venait de tuer;
mais dans le combat il avait eu toute la peau des jambes
lacérée et mise en lambeaux.
On traversa, trop vite au gré de Georges, la lande, puis
des sables profonds. Enfin on est arrivé. La maison est pleine
d’invités. Il y en a aussi dehors. C’est tout un campement de
voitures. Les chevaux, les bœufs de trait forment un véritable
troupeau. Ils s'en vont tout empressés quêter l’herbe parmi
la bruvère. Derrière la ferme s’élèvent des dunes de sable