VIII
HANS CHRISTIAN ANDERSEN.
din du plus grand style. Sur une de ces îles verdoyantes, la
Fionie, se trouve ma ville natale, Odensée, appelée ainsi du
dieu païen Odin, qui y avait, dit la tradition, sa demeure
principale.
« Là vivait en 1805, dans une pauvre petite chambre, un
jeune couple. Ils s'aimaient tendrement. L’homme, cordonnier
de son métier, avait à peine vingt-deux ans. C’était, malgré
son humble condition, un esprit fort bien doué, une nature
pleine d'aspirations poétiques. La femme était un peu plus
âgée. Elle ne connaissait ni le monde ni la vie. Son cœur était
an trésor d’amour.
« Le jeune homme avait lui-même confectionné son éta-
bli et son lit nuptial ; pour ce dernier, il avait employé les
pièces de bois qui avaient servi à la construction du cata-
lalque sur lequel le cercueil du comte de Trampe avait été
exposé. Des lambeaux de drap noir attachés aux planches en
rappelaient la première destination. À la place du cadavre du
noble seigneur, se trouvait sur ces planches, le 2 avril 1805,
un petit enfant plein de vie, mais pleurant sans cesse. C’était
moi, Hans Christian Andersen.
« Mon père, m’a-t-on dit, se tenait, pendant les premiers
ours qui suivirent ma naissance, près du lit et lisait tout haut
les œuvres de Holberg, pendant que je continuais à crier :
« Veux-tu t’endormir ou écouter en silence ? » disait-il en
plaisantant. Mais je ne cessais de pousser des cris. Même à
l'église, lorsque je fus baptisé, je criai au point que le pas-
teur, qui était un homme emporté, se mit à dire avec impa-
tience : « Ce garçon -miaule vraiment comme un° chat. »
Jamais ma mère ne lui a pardonné ces paroles. Un pauvre
émigré français du nom de Gomard, qui fut mon parrain, lui