LES VOISINS.
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contraste entre la nature, toujours belle et vivante, et l’œuvre
de l’homme, si périssable, était saisissant.
Dans la journée, les deux jeunes moineaux envolés de la
veille vinrent faire un tour aux lieux de leur naissance.
« Qu'est devenue la maison? s’écrièrent-ils. Et le nid? Tout a
péri, et notre frère le querelleur aussi. C’est bien fait pour
lui. Mais faut-il que ces maudites roses aient seules échappé
au feu! Et le malheur des autres ne les chagrine pas, ni ne
les fait maigrir, elles ont toujours leurs grosses joues bouf-
files! — Je ne puis les voir, dit l'aîné. Allons-nous-en, c’est
maintenant un séjour affreux. » Et ils s’envolèrent.
Par une belle journée d'automne, une bande de pigeons,
noirs, blancs, tachetés, sautillaient dans la basse-cour du
château. Leur plumage bien lissé brillait au soleil. On venait
de leur jeter des pois et des graines. Ils couraient çà et là
en désordre. « En groupes! en groupes! » dit nne vieille
mère pigeonne.
« Quelles sont ces petites bêtes grises qui gambadent tou-
jours derrière nous? demanda un jeune pigeon au plumage
rouge et vert. — Venez, gvis-gris. Ce sont des moineaux,
répondit la vieille, de bonnes bêtes. Comme notre race a la
réputation d’être douce et affable, nous les laissons picorer
quelques graines. Ils ne sont pas gênants, parlent peu et font
de gentilles révérences. »
En eflet, voilà que deux des moineaux qui venaient d’ar-
river de côtés différents se mirent, pour se saluer, à gratter
trois fois de la patte gauche et à pousser un pip en point
d'orgue. Ils se reconnurent parents, cousins issus de ger-
mains; ils étaient petits-fils des deux frères nés dans le nid
d'hirondelles.
« On fait bombance ici, » se dirent-ils. Les pigeons d’un