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CHACUN ET CHAQUE CHOSE A SA PLACE. 397
l’aide de l’arbre, de remonter sur le pont; mais voilà que la
branche cède et se rompt même tout à fait. La pauvrette
allait rouler dans la vase, lorsqu’au même instant une main
vigoureuse l'empoigne. C'était un colporteur qui avait vu
toute l'affaire et qui était accouru pour porter secours à l’en-
fant.
« Chacun à sa place! » dit-il en répétant les mots qu'il
avait entendu le châtelain prononcer; et il ramena la fillette
sur le pont. Il aurait bien voulu aussi rajuster la branche à
l'endroit où elle s'était cassée; mais, quoique ce fût sa place,
cela ne se pouvait pas. Alors il la planta dans la terre humide.
« Pousse et prospère, dit-il, puisses-tu un jour fournir un
solide paquet de verges, pour rouer comme il faut toute la
compagnie de là-haut! »
Il entra dans la cour et se rendit à l'office ; filles et valets
regardèrent ses marchandises et en achetèrent : il était
connu pour donner de bonnes choses.
À la table des maîtres, c’étaient des cris, des glapisse-
ments et des piailleries; ils croyaient chanter. Puis des
rires bruyants, et aussi des vociférations et des querelles. Au
milieu de tout ce tintamarre, les hurlements des chiens ;
car ils étaient de la partie. Les verres étaient sans cesse
-emplis de bières fortes et de vins capiteux.
On fit monter le colporteur, seulement pour se moquer
de lui et le turlupiner. Le peu de cervelle qu’ils possédaient
avait disparu, noyé dans les libations. Le châtelain fit verser
de la bière dans un bas et commanda au colporteur de
l’avaler, mais bien vite. Ce devait être encore une bonne
farce; tous pouffèrent de rire. Puis on se mit à jouer aux
cartes; des prés, des fermes entières se perdaient parfois
sur un seul coup.