256 NOUVEAUX CONTES DANOIS.
Toi, tu te pavanes au salon dans un candélabre ou un lustre
de cristal ; ma place, à moi, est à la cuisine. La cuisine n’est
pas un'endroit méprisable : toute la maison et nos maîtres
eux-mêmes ne pourraient subsister sans la cuisine.
— Manger n’est qu’un détail infime dans leur vie, répliqua
la bougie. La société, les visites, les assemblées, voilà leur
véritable existence ; briller et voir briller les autres. c’est
pour cela qu’ils sont nés, et moi j'assiste à ce beau spectacle.
Ainsi ce soir il v a bal: j’v serai avec toutes mes sœurs. »
On vint en effet prendre toute la provision de bougies:
mais on emporta aussi la chandelle. La dame de la maison,
une vraie comtesse, la prit dans ses mains délicates et la
porta à la cuisine. Là se trouvait un petit garçon avec un
panier que la dame fit remplir de pommes de terre ; elle y
joignit une livre de beurre et aussi quelques fruits.
« Voilà pour ta mère, mon petit ami, dit la dame, et
voici une chandelle : ta mère reste à travailler jusqu’à une