234 NOUVEAUX CONTES DANOIS.
il n’est pas d’aspérité qui ne cède à la longue. J'agirai sans
relâche comme les flots, et à la fin, mon cœur me l’assure.
je parviendrai à retrouver mes frères. »
Tout à coup, au milieu des herbes marines, elle aperçut
des plumes de cygne; il y en avait onze; elle les rassembla
et en forma un bouquet. Des gouttes y brillaient; était-ce
de l’eau, était-ce des larmes?
Elle ne voyait sur toute la plage aucun être vivant,
mais elle n’éprouvait pas le sentiment de la solitude, tant
la mer offre de changements brusques et saisissants. Le
ciel se couvrit, la mer devint noire comme de l’encre ; le
vent souflla avec violence, les vagues blanchirent aussitôt.
Vers le coucher du soleil, les nuages s'empourprèrent, la
lempête cessa; l'immense nappe d’eau ressemblait à un
gigantesque bloc de marbre rose, puis elle devint comme
une émeraude. Il n’y avait plus la moindre brise, cependant
la masse d’eau se soulevait et se baissait doucement comme
le sein d’un enfant endormi.
Élisa était restée tout le temps en admiration devant ce
spectacle. Voilà qu’au moment où les derniers rayons du
soleil allaient disparaître, elle vit dans les airs volant vers la
«erre onze cygnes avec des couronnes d’or sur la tête; ils se
suivaient les uns les autres; on aurait dit un long ruban
blanc. Élisa se retira à l’écart et alla se cacher derrière des
broussailles. Les cygnes s’abattirent à terre tout près d'elle,
et agitèrent bruyamment leurs grandes ailes en signe de joie
et de contentement.
Dès que le soleil eut disparu, tous les plumages tom-
bèrent à terre, et Élisa aperçut onze beaux princes, ses
frères chéris. Elle poussa un cri ; elle sentait que ce devait être
ses frères, quoiqu’ils fussent bien changés et grandis depuis