NOUVEAUX CONTES DANOIS.
Il arriva sur le pont et lança le sac avec le berger dans
la rivière, qui était large et profonde, en criant : « Va-t’en
au fond! Tu as fini maintenant de me mystifier. »
Et il s'en retourna gaiement chez lui. Voilà qu’à l'endroit
où la route se bifurque, il voit petit Claus qui poussait devant
lui le troupeau.
« C’est trop fort, s’écria-t-il; ne viens-je pas de te noyer
il n’y a qu’un instant? — Mais oui, répondit petit Claus.
Il y a une petite demi-heure, tu m'as jeté dans la rivière.
— Et t'en voilà sorti avec ce magnifique bétail? — Ce sont
des animaux des pays sous-marins, dit le petit Claus. Je
m’en vais te conter toute l’histoire; mais auparavant que je
te remercie de m'avoir voulu noyer. C’est à toi que je dois
d’être riche comme je le suis maintenant. Donc je n’étais pas
à mon aise dans le sac où tu m’avais fourré, et lorsque tu
me précipitas en bas du pont, le vent me sifflait dans les
oreilles et j'avais grand’peur. J'allai aussitôt au fond, mais
sans me faire de mal ; je tombai sur un tapis d’herbe épaisse
et moelleuse. Le sac fut ouvert à l’instant et je me sentis
prendre la main par une ravissante jeune fille habillée tout
de blanc et qui avait sur ses longs cheveux pendants une
couronne de verdure : « C’est toi, mon bon petit Claus, me
dit-elle, c’est gentil à toi de venir habiter parmi nous. Tiens,
voici quelques bœufs et quelques vaches pour t’établir. A
une lieue plus loin sur la route, tu en trouveras un troupeau
bien plus grand. Va, prends-le, il est à toi. » Je m’aperçus
alors que la rivière était un chemin pour la gent marine,
qui va et vient par cette voie dans l’intérieur des terres.
Quel beau pays, là en bas; ce sont des fleurs ravissantes,
aux couleurs les plus tendres, et une mousse et de l'herbe
si fine et si délicate! De jolis poissons aux écailles miroi-
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